En Irak, nous avons affaire à une réalité plus dangereuse encore qu’en Syrie, en Libye et au Yémen. Dans ce pays, toutes les folies se concentrent. Et une nouvelle guerre a commencé. On entend les incitations au meurtre au plus haut niveau. Les autorités religieuses chiites appellent leurs ouailles à défendre leurs lieux saints, tandis que le mufti sunnite appelle les siens à soutenir les rebelles. Et l’Iran s’empresse de s’en mêler au nom du soutien aux chiites. La guerre civile est plus proche que jamais depuis la chute de Saddam Hussein [en 2003]. La situation exige de ne pas céder à la colère. Les racines de la crise remontent plus loin que la prise de Mossoul [le 10 juin]. Elles remontent même plus loin que les affrontements dans la province d’Al-Anbar, qui durent depuis plus de six mois. On peut les faire remonter dix ans en arrière, jusqu’à l’invasion américaine [2003]. Voire vingt, jusqu’à l’invasion irakienne du Koweït [1990]. Ou trente ans, jusqu’à la guerre Irak-Iran [1980-1988]. Ou même à 1979, avec la révolution iranienne qui voulait s’exporter dans les pays voisins et avec Hussein qui devient seul maître à Bagdad. Nous pouvons même remonter encore plus loin, quatorze siècles en arrière, jusqu’aux luttes de pouvoir entre les compagnons du prophète Mahomet, avec l’assassinat du troisième calife Othman [en 656], puis du quatrième calife Ali [en 661], événements déterminants pour la suite de l’histoire musulmane. [Ces événements ont abouti à la division entre sunnites et chiites.] On peut trouver des arguments pour justifier n’importe quelle date, selon ses inclinations politiques. Mais, en dernière instance, la responsabilité incombe aux dirigeants actuels : le Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki, le président américain Barack Obama. Car celui-ci aurait pu amener Maliki à mener une politique de réconciliation nationale. Au lieu de quoi, il lui a permis de profiter de la protection américaine pour établir son pouvoir autoritaire et marginaliser les Arabes sunnites. Ces derniers ne pouvaient que se révolter. C’est ce qui s’est passé et qui menace aujourd’hui l’existence même de l’Etat irakien. C’est l’EIIL ainsi qu’Al-Qaida qui profitent de cette situation. Or ces deux organisations, curieusement, menacent surtout les sunnites. La Turquie demande déjà l’intervention de l’Otan. L’EIIL irakien est la copie conforme de son homologue syrien, qui donne surtout des coups de poignard dans le dos aux révolutionnaires et ne fait que servir les intérêts du régime d’Assad. Ce sont encore les mêmes qui menacent la sécurité de tous les pays du Moyen-Orient.